La Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) est aujourd’hui sur toutes les lèvres… et pourtant, difficile à tenir dans les faits. Beaucoup d’organisations peinent à traduire leurs engagements en actions concrètes, faute de moyens, de priorisation ou d’indicateurs partagés. Les directions croulent sous les exigences réglementaires, les incertitudes économiques et les urgences opérationnelles. Dans ce contexte, la stratégie RSE peut sembler secondaire, voire déconnectée des priorités « business ». Et pourtant, les politiques RSE se structurent, se professionnalisent, s’outillent. Cette transformation est une chance pour les directions de l’innovation de jouer un rôle central dans la création de valeur durable et différenciante.
Structurer la RSE, ce n’est pas (que) se mettre en conformité
Qu’elle soit formalisée ou non, une démarche RSE structurée permet de clarifier les interdépendances entre l’entreprise et son environnement économique, social et écologique. Elle dépasse le cadre du reporting : elle devient un outil de gouvernance, de cohérence et de projection stratégique.
C’est ce que souligne une note récente de l’AFPA (mars 2024), qui met en lumière l’influence du positionnement de la fonction RSE dans les organisations. Lorsqu’elle est connectée à l’innovation, elle favorise l’émergence de projets hybrides, stimulés par les enjeux de transition, et pousse à une lecture croisée des données, des usages et des impacts.
Une étude académique (Journal of Economic Analysis, Béji & Yousfi, 2025) va dans le même sens : les comités RSE bien intégrés renforcent la capacité d’anticipation stratégique, d’interaction avec les parties prenantes… et d’innovation.
Une mine d’or pour les directions innovation : explorer les risques, ouvrir des possibles
Les acteurs du numérique sont idéalement placés pour tirer parti de cette dynamique. En croisant les données RSE avec les signaux faibles issus du terrain, les directions de l’innovation peuvent repérer des zones de vulnérabilité, mais aussi des potentiels d’innovation et on trouve de nombreux exemples chez les adhérents du réseau ADN OUEST :
- Nouveaux usages à faire émerger (ex.services numériques d’accompagnement à la transition énergétique). Parmi les adhérents ADN Ouest, l’ADAPEI a par exemple créé un poste de référent(e) numérique pour faciliter l’accès aux solutions/apps ou encore IDEA et ses projets sur la charge mentale et la charge physique en collaboration avec l’université de Nantes.
- Alternatives technologiques à explorer (low-code, sobriété numérique, IA frugale). Par exemple, SIGMA choisit l’écoconception logicielle, FRUGGR propose des outils d’évaluation et d’optimisation de l’impact numérique pour diagnostiquer et prioriser les améliorations
- Modèles économiques à tester : circuits courts, économie de la fonctionnalité ; Nantes Metropole inclut des critères de souveraineté dans ses appels d’offre, DEWAN pratique le mécénat de compétences pour participer à des projets d’intérêt général
- Résilience territoriale à renforcer (cloud local, inclusion numérique) ; plusieurs initiatives locales et formats d’événements donnent lieu à des approches « low-tech » et expérimentations régionales : on pense à l’atelier lors de l’ADN Festival sur la marée numérique sans informatique.
Sans remettre en cause les approches existantes autour de l’innovation, ces démarches les complètent et les réorientent. En croisant les données RSE, les scénarios de transition, les évolutions réglementaires et les attentes clients, les directions innovation disposent de nouveaux capteurs pour ajuster leur feuille de route.
Un levier stratégique pour les directions innovation
Ce changement de focale invite à considérer les risques non plus comme des freins, mais comme des sources d’inspiration pour concevoir des réponses innovantes, responsables et robustes. Les directions Innovation se positionnent comme éclaireurs, capables de relier vulnérabilités, signaux faibles et actions concrètes, au service de la transformation. La démarche RSE structurée devient une boussole commune, qui oriente les investissements, éclaire les arbitrages, et nourrit une innovation utile et durable.
Elles peuvent aussi renforcer leur légitimité dans les discussions stratégiques en apportant une lecture systémique : Comment mieux anticiper les attentes émergentes des clients et collaborateurs ? Comment adapter nos projets pour qu’ils résistent aux grandes transitions à venir ? Quels nouveaux partenariats pour répondre à des enjeux sociétaux croissants ? Et comment faire en sorte que nos projets innovants soient non seulement efficaces, mais aussi alignés avec la trajectoire globale de l’entreprise ?
Inventer ensemble des trajectoires nouvelles
Structurer la RSE, c’est créer les conditions pour que l’innovation mette en lumière l’essentiel : la capacité de l’entreprise à s’adapter, à coopérer, à durer, à se développer. Pour les directions innovation, c’est une invitation à explorer autrement les vulnérabilités, les opportunités, et les trajectoires possibles de l’entreprise.
Pour preuve, l’enquête Pays de la Loire 2024 de l’ORCN le démontre : « 69% des entreprises se disent impliquées par la problématique du numérique responsable (71% pour les prestataires et 53% pour les entreprises utilisatrices). Cette question apparaît donc plus prégnante au sein des ESN. »
Et vous, comment intégrez-vous ces enjeux dans vos stratégies d’innovation ?
La question est posée – et les réponses, en constante invention.
Cet article vous est proposé par Marie Doxin (Chesneau), membre du Cercle des corsaires de l'innovation d'ADN Ouest.